Hors série : L'éthique et les affaires, une quête de sens

par par Edmond Bourque

L'éthique, une exigence pressante

«En renonçant à agir par principe, on ouvre le champ à tous les actes possibles, au gré des situations.»
— Alain Etchegoyen

Y aurait-il plusieurs sortes d'éthiques? Le contexte doit-il influencer notre comportement lorsqu'il en est question? Comment des personnes publiques en viennent-elles à poser des gestes contraires à l'éthique? Ces dernières années, plusieurs chefs d'entreprises ont été interpellés par l'appareil judiciaire. Ils auraient en quelque sorte trahi la confiance placée en eux. Dans les années 80 et 90, plusieurs dirigeants d'entreprises — préoccupés avant tout par des impératifs de productivité, de compétitivité et de performance — négligeaient de toute évidence cette partie essentielle de leur mandat. Cela a contribué à la crise des valeurs de référence affectant nos collectivités. Depuis le nouveau millénaire, nombre de leaders mesurent l'influence considérable qu'ils peuvent exercer sur leur environnement. Ils prennent conscience de l'importance — tant en entreprise que dans la vie privée — de valeurs comme la solidarité, le respect, l'équité sociale et l'entraide.

Comment se développera cette nouvelle forme de leadership? Quelles directions prendra-t-elle? Quelle place fera-t-elle aux jeunes? Aux femmes? Autant de questions stimulantes auxquelles nous trouverons des éléments de réponses lorsque les leaders accepteront de s'engager dans ce débat sur la redéfinition des règles du jeu économique, social et politique.

Des objectifs ambitieux
C'est dans le but d'offrir une tribune de choix pour ce débat que le magazine Entreprendre a préparé cette grande première pour lui : L'éthique et les affaires : une quête de sens. Les objectifs de ce numéro hors série sont multiples. Il s'agit de fournir aux décideurs, chefs d'entreprises et gestionnaires des éclairages sur les principales facettes de l'éthique, sur les valeurs fondamentales qui la soutiennent, et sur les multiples et riches liens qu'elle entretient avec le leadership, le management et la spiritualité.

Le numéro vise aussi à enrichir leur compréhension du sens de la vie en cette ère intense et rapide où l'on a souvent l'impression de toujours devoir reporter à plus tard les moments qui devraient être réservés à l'amour, à l'entraide, au partage, à l'engagement, à la fraternité et à la générosité.

Trop de leaders restent muets alors qu'ils pourraient partager leur richesse et leur sagesse, et offrir des solutions qui permettraient à l'humain d'avancer, de se réapproprier sa vie, et d'aider les autres à le faire.
L'équipe de rédaction dEntreprendre veut briser ce silence. Elle a rencontré 101 personnalités — femmes et hommes — de toutes origines, professions et convictions, afin qu’elles partagent avec nos lecteurs une part de leur vécu, parfois très intime.

Un plan pratique
Subdivisés en cinq sections — «Points de vue», «Valeurs fondamentales», «Leadership», «Management» et «Spiritualité» —, ces témoignages et opinions, pris ensemble, constituent une contribution unique à l'avancement de nos connaissances sur ces thèmes essentiels.
La richesse, la sagesse et la diversité de ces opinions permettront sans doute de prendre conscience, d'un écart grandissant entre la théorie des valeurs managériales et la pratique quotidienne du management et de la gestion. Ces messages d'éthique et de valeurs fondamentales permettront, j'en suis certain, d'assurer une plus grande permanence à cette quête de sens.

Ce dossier débute par le point de vue du Dr J.-Robert Ouimet. Celui-ci a été parmi les premiers hommes d'affaires à discuter de notions comme l'éthique, les valeurs fondamentales, le leadership, le management et la spiritualité au travail, notions qui sont aujourd’hui beaucoup mieux accueillies au sein du monde des affaires.

Même s'il peut sembler complexe et de haut niveau, un tel dossier intéresse tout le monde. Car sur le plan personnel, l'être humain n'aspire-t-il pas au bonheur, n'éprouve-t-il pas le besoin d'ajouter de la profondeur à sa vie, ne recherche-t-il pas la paix intérieure et la sérénité? Les termes d'éthique, de valeurs fondamentales et de spiritualité nous renvoient à la quête de sens dans un monde où la religion, du moins en Occident, n'exerce plus seule son poids sur les comportements individuels. Chacun en outre se montre désormais très conscient de ses droits.

Beaucoup s'interrogent
De leur côté, entrepreneurs, gestionnaires et gens d'affaires se préoccupent de plus en plus de ces questions. Beaucoup s'interrogent, s'informent, réfléchissent. C’est que le travail doit contribuer à construire la personne humaine, ainsi qu'à la faire grandir dans sa relation avec les autres, sans quoi la poursuite de la rentabilité se révélera contre-productive en bout de ligne. Les leaders visionnaires veulent maintenant afficher des valeurs claires en ces domaines, les mettre en œuvre dans leurs activités publiques ou professionnelles, les partager avec leurs collaborateurs, dans la poursuite de l'intérêt commun bien compris. Et, ajouterais-je, en donnant l'exemple par leur comportement à tous les niveaux.
L'intégration de l'éthique et de la spiritualité dans toutes les facettes du management et du leadership des organisations serait devenue un besoin pressant, exprimé par les gestionnaires eux-mêmes. Selon la firme KPMG, 90 % des gestionnaires au Québec et au Canada réclament des outils pratiques en éthique. Le fait de baliser une «politique de l'éthique» constitue donc une avenue rassurante pour plusieurs.

Le défi
Mais la question fondamentale est de savoir comment chacun peut concilier la richesse économique et les valeurs éthiques et spirituelles. Le sujet est fascinant, grave, fondamental et délicat. Les écueils sont nombreux : alors que l'éthique peut sombrer dans le légalisme, le dogmatisme ou la moralisation abusive, la spiritualité peut mener, elle, au fondamentalisme, aux superstitions archaïques ou au développement de sectes aberrantes. Éthique et spiritualité peuvent ainsi être récupérées afin de manipuler les employés et gestionnaires dans l'intention de maximiser le profit.
Désormais, le gens d’affaires veulent mieux comprendre non seulement le sens des affaires, mais le sens à donner à nos vies. Ils veulent mieux saisir les réalités traduites par les notions d'éthique et de valeurs fondamentales. Sans renoncer aux objectifs de l'entreprise, ils sont davantage conscients que son personnel et ses autres interlocuteurs doivent tous y trouver leur compte et leur équilibre de vie. En fait, le milieu d'affaires aspire à une vie plus équilibrée où l'entraide, le partage et les relations harmonieuses auraient au moins autant d'importance que l'amélioration constante de la productivité.

Savoir comment
Bref, à l'ère des «gouvernance», «philosophie de gestion», «code de déontologie», «approche client», l'important est de savoir comment, dans la vie quotidienne de nos entreprises, il est possible de vivre concrètement ces belles théories «modernes» en période prospère, mais surtout de s'y tenir en période plus difficile.

Cette quête de sens débute en soi-même. Plus conscients de ce que nous sommes, précisant nos valeurs et nos croyances, nous serons prêts à partir à l'exploration de celles des autres. Croire en soi-même et croire aux autres, c'est faire confiance à la vie. C'est partager ce que l'on a. C'est devenir un messager d'éthique.
 
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