Hors série : NUMÉRO ANNIVERSAIRE 20 ANS

par Monique Durand

Être les meilleurs, une nécessité

Ce numéro «20e anniversaire» veut rendre hommage à l'entrepreneuriat et au génie québécois, ainsi qu'aux hommes et aux femmes qui les incarnent. C'est ainsi que nous avons choisi de vous présenter ces thèmes et les personnes qui les portent, en bouquets
de «20» : portraits de 20 femmes et de 20 hommes au parcours exceptionnel et bien en selle sur leur destin, mais aussi, portraits de 20 femmes et de 20 hommes précurseurs, qui nous ont laissé en héritage un Québec instruit, prospère et ouvert sur le monde. Aussi, entre autres bouquets fleurant des parfums de promesse, 20 histoires d'entreprises à succès, nées il y a moins de 20 ans. Enfin, nous avons voulu truffer ces pages de pans de l'histoire d'Entre-
prendre
, mais également d'anecdotes évocatrices et de perles amusantes accumulées au fil des milliers d'entrevues recueillies dans les 107 numéros publiés depuis 20 ans.
Vous prendrez plaisir à humer et à goûter ces divers bouquets, qui ont une chose essen-
tielle en commun : le sentiment, affirmé sur tous les tons et dans toutes les nuances, que nous sommes condamnés, nous Québécois et Québécoises, à être les meilleurs.


Nous étions nés pour un petit pain, disait-on jadis. Entravés par les chasubles d'une Église catholique dominatrice, on nous disait que la possession matérielle allait oblitérer notre salut éternel, tandis que nos vis-à-vis de confession protestante, eux, étaient persuadés du contraire : la réussite terrestre, sonnante et trébuchante, ne nuirait pas à leur accueil dans l'au-delà.
Dans les années 1950, m'expliquera Yvon Gasse, professeur émérite à la Faculté d'administration de l'Université Laval, nous sommes allés chercher des sommités d'universités américaines, comme Harvard, Columbia et North Western, pour nous enseigner les sciences économiques et l'art de faire des affaires. Avec le temps, ce modèle d'inspiration américaine a été adapté au contexte d'ici : c'est ce que l'on a appelé le «modèle québécois», fait d'une sorte d'alliance stratégique entre le secteur privé, l'État  par l'entremise de ses grandes agences comme la SGF et la Caisse de dépôt , et les syndicats  par la voie des divers fonds de travailleurs (FondAction, Fonds de solidarité FTQ, etc.).
Si, en 2007, ce fameux modèle québécois est parfois remis en question, il n'en demeure pas moins que, désormais et pour toujours, les Québécois sont convaincus d'être, eux aussi, capables de réussir. Et, en effet, ils réussissent!
Nous voilà aujourd'hui aux commandes de notre destin économique et financier aussi bien que social et culturel. Nos entrepreneurs, conscients d'avoir choisi une voie stimulante et prisée, qu'ils soient actifs dans la culture des tomates ou les technologies de l'information, sont compétents, bien formés, ont confiance en eux-mêmes et croient en leur bonne étoile. En fait, c'est toute la mentalité de l'entrepreneuriat québécois qui a changé depuis un demi-siècle, et de manière accélérée depuis les 20 dernières années.

Des défis que les autres n'ont pas...
«On est aussi audacieux que les autres! s'exclamera devant mon microphone Richard Langevin, associé chez Ernst & Young, aujourd'hui à la retraite. Mais on a des défis supplémentaires devant nous!» Des défis que les autres n'ont pas. Des défis essentiellement liés au contexte culturel et linguistique particulier qui est le nôtre.
«Le Québec étant pour ainsi dire en dehors de la carte, me dira l'universitaire Claude Cossette, en dehors
des grands circuits nord-américains, parce que de langue et de culture différentes, il est donc obligé d'inventer! Ici on est condamnés à être entièrement imaginatif, si l'on veut sortir de l'ombre et survivre.»

Et puis, bien sûr, le Québec représente un marché de petite taille, les grands marchés se trouvant à l'extérieur, à Philadelphie, New York, Chicago ou Toronto. Ceux et celles qui veulent pousser loin leur fibre entrepreneuriale doivent donc impérativement songer à exporter. Ils n'ont pas d'autre choix que de croître. Françoise Bertrand, présidente de la Fédération des Chambres de commerce du Québec, en est persuadée : «À défaut de grandir, nos entreprises régresseront!»
Pour toutes ces raisons, il nous faut être plus clairvoyants, plus inventifs, plus productifs, plus efficaces que les autres. Nous sommes en fait condamnés à être les meilleurs!

... et des atouts que les autres n'ont pas!
Si des défis majeurs se dressent sur nos horizons, différents de ceux des autres Nord-Américains, nous bénéficions par contre d'atouts dont les autres ne peuvent se targuer!
D'abord, la société québécoise se situe au carrefour de trois traditions culturelles : l'américaine, la franco-européenne et la britannique, atout majeur qu'il nous faudra encore davantage exploiter! Nombreux sont les entrepreneurs québécois qui parlent le français et l'anglais, et qui ont acquis une connaissance intime des États-Unis, de la France et de l'Angleterre, notamment. Outre cela, notre société peut se vanter d'un niveau général de scolarisation qui nous avantage par rapport à bien d'autres sociétés. Enfin, parce que notre histoire en fut longtemps une d'isolement, nous avons été forcés de nous débrouiller — les patenteux du Québec, vous connaissez? — et nous débordons d'idées, riches et fécondes, pour ne pas dire géniales!

Le Québec a du génie!
C'est Marc-André Roy, le fondateur de la firme R3D Conseil qui, sans hésiter, l'affirme : «Dans les secteurs de l'informatique, de l'aéronautique et de la biopharmaceutique, oui, les Québécois sont géniaux!» Voyez, en effet, le portrait qui suit.
Dans la seule région montréalaise, on dénombre 108 000 informaticiens qui vivent de leur science et 2 700 entreprises consacrées à ce domaine. L'industrie aéronautique y emploie 38 000 travailleurs spécialisés, et représente 210 entreprises. Enfin, le secteur biopharmaceutique génère dans la métropole 40 000 emplois et 628 entreprises. Autant de disciplines où nous excellons.
Autre domaine où le Québec se distingue : le génie civil et industriel. Kazimir Olechnowicz, le fondateur de la firme d'ingénieurs CIMA+, confirme que Montréal est une véritable plaque tournante, à l'échelle du globe, en la matière. Enfin, nous nous démarquons de manière spectaculaire du côté des technologies de l'information. Pensons à Ubisoft et à Softimage, sortis tout droit de cerveaux québécois. Des succès planétaires!
Et que dire de ces phénoménaux ambassadeurs de la culture québécoise nommés Céline Dion, René Angélil, Guy Laliberté, Luc Plamondon, Robert Lepage? Chacun à leur manière, ils ont poussé la roue de leur discipline jusqu'à en renouveler les normes, qu'il s'agisse de chanter, de produire des spectacles, d'imaginer un cirque, d'écrire des chansons ou de révolutionner la mise en scène. Il y avait «avant eux», et il y a désormais «après».
Un entrepreneur, me dira l'économiste Louise Champoux-Paillé, c'est une personne qui sait provoquer, bousculer et trouver avant les autres des filons prometteurs. N'est-ce pas ce qu'a fait Alain Bouchard, le p'tit gars de Chicoutimi, qui a eu la géniale intuition des dépanneurs Couche-Tard et dont le modèle essaime à travers toute l'Amérique? Et Lise Watier, la p'tite fille d'Hochelaga-Maisonneuve, la géniale intuition d'un parfum au nom sorti de nos fibres, Neige, qui fait aujourd'hui le tour du monde? Et Normand Laprise, le p'tit gars de Saint-Alexandre-de-Kamouraska, qui a inventé une gastronomie québécoise alliant les produits de notre terroir et les grands courants culinaires du globe?

Un numéro en forme d'hommage
Ce numéro «20e anniversaire» veut rendre hommage aux femmes et aux hommes qui, auréolés de leur succès, incarnent aujourd'hui la qualité et les performances de l'entrepreneuriat et du génie québécois. Mais Entreprendre veut aussi rendre un tribut spécial, comme par anticipation, à ceux et celles qui représentent les promesses de demain. Sans ces jeunes chefs de file qui prennent forme à l'horizon, déterminés à reprendre les flambeaux, tout ce qui a été accompli l'aurait été en vain.
C'est en particulier pour ces entrepreneurs en train de faire leurs classes que, en clôture de ce numéro, nous proposons un dernier bouquet de recommandations, 20 bien entendu, pour l'avenir : 20 paramètres sur lesquels il faudra concentrer nos efforts pour assurer la pérennité de nos entreprises et celle de notre Québec, nous qui nous savons condamnés à être les meilleurs.
 
Magazine Entreprendre. Le magazine des gens qui ont l'esprit d'entreprise