Séjours étoilés
par Esther Aliénor
Depuis 1995, cette chronique a transporté les lecteurs et lectrices d'Entreprendre dans quelques-uns des plus prestigieux et luxueux établissements hôteliers d'Amérique et d'Europe. Des invitations au voyage dignes de princes, entre des murs mythiques qui éveillent sans fin la quintessence de tous les plaisirs. Vous avez été nombreux à savourer ces chroniques et à vous évader sous des cieux magiques, là où le temps suspend son vol en un instant fantasmagorique, là où le bonheur n'attend que l'émerveillement, là où l'être déserte le quotidien pour sublimer en un instant son existence. Pour ses 20 ans, Entreprendre vous propose une nouvelle visite de deux grands hôtels, coups de cœur qui ont recueilli vos suffrages. Une invitation renouvelée dans le monde extra ordinaire des étoiles terrestres! VILLA D'ESTE Dolce vita à la Villa d'Este Les Lombards, fiers habitants du nord de l'Italie, n'hésitent pas à affirmer que «toutes les routes mènent à la Villa d'Este». Il est vrai que depuis des siècles, nombreux sont ceux qui ont séjourné à la Villa, dont le reflet de sa majestueuse façade trémule dans la psyché bleutée du lac de Côme. Ces visiteurs-là, privilégiés entre les mortels, s'accordent pour déclarer que la Villa d'Este» n'est pas un hôtel comme les autres, mais bien l'illustration d'une manière de vivre où le style et l'élégance impriment chaque instant d'un séjour secrètement désiré éternel. D'une maison patricienne édifiée dans le pur style Renaissance du xve siècle par un prince de l'Église, jusqu'à sa présence actuelle au zénith de l'art hôtelier, la Villa d'Este, telle une Phryné lascive et consciente de ses charmes, a vu son éclat rehaussé par les largesses de ses maîtres successifs. Villa de toutes les passions Après le cardinal, il y eut la noblesse lombarde en la personne du marquis Bartolomeo Calderara qui en fit sa résidence et y cacha ses folles amours avec une pétillante danseuse nommée Pelosina. Cette dernière redessina le parc en élevant des temples de faux marbre, en construisant des ponceaux au-dessus des ruisseaux, et en plantant des allées de cyprès... Avec elle, la Villa résonna des sons de fêtes incessantes et tapageuses. Et puis, il y eut Caroline de Brunswick-Wolfenbüttel, princesse de Galles et femme du roi George IV d'Angleterre qui, en cinq années, dilapida toute sa fortune en fêtes, rénovations et agrandissements : des festivals, une imposante bibliothèque, une grotte, de nouveaux bassins d'eau, un temple à la gloire d'Hercule, un théâtre en plein air... et même une route pour se rendre à Cernobbio! À sa suite, le comte Ciani marqua l'époque de la quête de liberté italienne contre l'envahisseur autrichien, et sur les flots du lac retentirent les chœurs d'un Verdi inspiré qui écrivit La Traviata en ces lieux. Le comte agrémenta encore le parc de nouvelles essences venues de contrées très lointaines et fit construire la Villa Malakoff et la Villa de la Reine, de fabuleuses résidences privées qui sont aujourd'hui mises à la disposition de visiteurs soucieux de leur intimité. Enfin, l'impératrice Marie Federovna prit possession de la Villa durant deux années au cours desquelles le faste des fêtes russes attira son lot d'artistes, de nobles et de philosophes révolutionnaires. La Villa de tous les plaisirs réinventés à chaque siècle devint hôtel en 1873 et traversa les deux guerres sans trop de dommages, avant d'être enfin reprise, dans les années 1960, par un admirateur français. Grâce à Marc Droulers, qui présida aux destinées de cet établissement de prestige jusqu'à son décès, en 1966, l'hôtel retrouvera son âme et tous ses sens de villa patricienne. Fut donc entamées de grandes rénovations pour moderniser l'hôtel, aménager une piscine flottante avec bassin et plage pour les enfants, installer un gymnase et un club sportif. Jean-Marc Droulers succéda à son père en 1967, poursuivant la tradition de l'excellence avec la même passion, avec sa femme, Roberta qui, esthète au goût subtil et raffiné, magnifia la décoration des centaines chambres en y disposant des meubles de style, des tableaux et objets d'époque. Ainsi, avec les Droulers, la Villa d'Este revêtit ses plus fins atours, mariant à la perfection la séduction d'autrefois et le confort moderne. Tradition hôtelière de prestige Au cours de son séjour à la Villa d'Este, le journaliste américain Herb Caen notait que «l'endroit du paradis sur Terre n'ayant jamais été clairement établi, il pourrait très bien se situer ici!» De fait, la Villa possède de tels pouvoirs de séduction qu'un lien indéfectible se tisse avec sa clientèle. Jean-Marc Droulers croit que cette fidélité est en grande partie liée à la qualité de son personnel, qu'il considère comme «le principal trésor de la Villa d'Este». Discrétion et mémoire figurent d'ailleurs parmi les caractéristiques d'un personnel que les fidèles apprécient retrouver à chacun de leur séjour. Des célébrités d'autrefois — de Joséphine Baker à Alfred Hichtcock, en passant par le duc et la duchesse de Windsor et Oscar de la Renta — jusqu'à celles d'aujourd'hui — parmi lesquelles Robin Williams, Madonna ou Bill Gates —, la Villa d'Este est devenue l'étape de prédilection d'une élite qui ne se lasse jamais d'assister aux événements qui s'y déroulent tout au long de l'année. Le Concours d'élégance de voitures de collection, pour n'en citer qu'un, rassemble chaque année, au mois d'avril, les plus avertis aficionados des belles cylindrées. Là, devant les mosaïques et le long des routes qui surplombent le lac de Côme, les élégantes mécaniques des années 1920 à 1970 ont enfin l'occasion de se pavaner avec triomphe. Les participants viennent du monde entier pour y célébrer aussi bien leur passion qu'une certaine manière de vivre faite d'allure, d'abondance et d'agrément. Plaisirs absolus À la Villa d'Este, chaque minute qui échappe au visiteur s'enrichit grâce aux nombreuses activités sportives et aux diverses soirées thématiques qu'on y propose. Et on peut même y prendre le temps de se faire dorloter à son Centre de santé. Mais la Villa d'Este ne serait pas un tel joyau sans une de ses plus belles lumières : celle de son chef de réputation mondiale, Luciano Palori. D'ailleurs, son art culinaire a recueilli tant d'engouement de la part des fines bouches que le mæstro s'est résolu à leur dispenser des cours privés. C'est ainsi que, en 15 jours, Elton John a appris à concocter 15 plats de pâtes pour agrémenter ses longues soirées londoniennes. Du monde entier, les gourmets accourent pour enfin pénétrer les secrets gastronomiques du «roi du risotto». C'est au restaurant La Véranda que les visiteurs peuvent se laisser emporter par une délectation gustative suprême, tout en contemplant la fascinante surface ondoyante du lac de Côme. Ils pourront même se laisser tenter par d'autres lieux de restauration dont Le Grill, qui propose une restauration savoureuse au milieu des douces exhalaisons du jardin, et le Sundeck Bar qui offre ses lunchs exquis. Et quand le soir descend en caressant les berges du lac, le pianiste du Canova Bar accompagne de ses accords les conversations d'une fin de journée comblée, alors que l'orchestre du Night Club se prépare à choyer ses noctambules. Lieu de romantisme par excellence, la Villa d'Este est aussi un élysée pour les lunes de miel. Rita Hayworth et Orson Welles, Elizabeth Taylor et Nick Hilton, Linda Christian et Tyrone Power, Franck Sinatra et Ava Gardner, «Ari» Onassis et Maria Callas l'ont choisie comme nid d'amour, tout comme les stars d'aujourdhui qui entretiennent la longue tradition d'un bonheur accompli. On comprend le ravissement qui saisit les fortunés clients de la Villa d'Este, car peu d'hôtels peuvent se targuer de révéler une élégance, une âme et une éternité à partager. Trois raisons pour soupirer d'y revenir, encore et encore. Villa d'Este 22012 Cernobbio Lac de Côme Italie Tél. : 031.34.81 Téléc. : 031.34.88.44 Courriel : info@villadeste Site : www.villadeste.it ______________________ LE MAQUIS Prendre Le Maquis En plein cœur du golfe d'Ajaccio, l'hôtel Le Maquis adosse sa bâtisse sur le flanc de collines d'où s'exhalent les senteurs suaves des chênes-lièges, des arbousiers, des myrtes, des bruyères et des yeuses. À ses pieds, une crique s'étire le long d'une mer diaphane aux reflets opalescents d'un vert émeraude, malachite, cobalt ou jade& Dans ce décor corse qu'embaument mille délicieuses effluves, prendre Le Maquis pour hôtel constitue un acte de résistance à la banalité et à la monotonie. Car ici confluent la chaleur humaine d'une âme généreuse et les beautés d'une île incomparable. C'est à Paris, au cours des mois qui suivent la libération de la France, que Catherine Salini caresse le rêve d'ouvrir un bar à Porticcio, son village natal du sud de la Corse. À la veille de passer son bac en philo, alors qu'elle travaille à temps partiel dans un bistrot parisien appelé Le Maquis en l'honneur de la Résistance française, la jeune Corse visualise sa future carrière hôtelière. Une femme de tête Sa mère institutrice et son père agriculteur ne la prédestinent pourtant pas à une trajectoire hors norme. «Dans un coin de pays aussi machiste, je faisais figure d'originale! Les Corses n'étaient pas habitués à voir une femme diriger des employés et conduire des camions!» En 1946, âgée seulement de 17 ans, Catherine Salini résistera aux préjugés rigides d'une Corse traditionnelle et ouvrira son premier établissement, Le Maquis, dont le nom affiche son admiration pour les héros d'une France occupée. Lorsque son grand-père lui lègue, en 1949, un lopin de terre merveilleusement situé en face de la baie d'Ajaccio et des îles Sanguinaires, Catherine Salini échafaude déjà les plans d'un l'hôtel Le Maquis qui ouvrira ses portes en 1956. Ne ménageant aucun effort au fil des ans pour agrandir et moderniser son établissement, et cultivant l'art de recevoir avec un élan et une sincérité sans pareils, la jeune femme d'affaires propulse son auberge au rang de complexe hôtelier d'envergure et de grande classe. Assoiffée de perfection, cette femme de caractère n'hésite pas, dans les années 1960, à aller acquérir des savoirs aux États-Unis à la réputée School of Hotel Administration de l'Université Cornell. C'est ainsi que sous l'impulsion de sa fondatrice, Le Maquis décroche très vite le classement 4 étoiles de luxe, qui attirera tout le gotha international de la politique, des finances et du showbiz, lui assurant pour toujours son renom. Affilié à la chaîne des Leading Small Hotels of the World et des Châteaux hôtels de France, Le Maquis scintille encore en soliste dans l'empyrée corse de l'hôtellerie. Un paradis entre mer et maquis Avec un soleil illuminant sa surface azurée, la mer apparaît plus cristalline et invite les hôtes du Maquis à se prélasser sur le sable fin de la plage privée. De la terrasse qui surplombe la Méditerranée ou dans la chaude eau de mer de l'une des piscines extérieure et intérieure, le visiteur pourra humer les essences des fleurs du parc et les brises marines. Un cocktail de nature qui parfume les 19 chambres, les 5 suites et le penthouse au confort princier. Les loisirs ne manquent pas dans ce coin de paradis, parmi lesquels les croisières, les sports aquatiques, les randonnées pédestres, équestres ou en quatre-quatre dans les sentiers du maquis. Les invités du Maquis peuvent aussi se livrer à leurs parties de tennis ou s'abandonner aux mains expertes d'un masseur. Et si la gastronomie est synonyme de loisir, celle qu'offre le restaurant de l'hôtel, L'Arbousier, mérite toute l'attention des palais les plus fins. Au clavier du piano culinaire, le chef et fils de Catherine Salini, Gérard Lorenzoni-Salini, joue avec brio des saveurs du terroir corse. Dans la vaste salle à manger ou sur la terrasse, ses préludes en bouche proposent, entre autres, une raviole ouverte sur une tombée de poireaux aux crabes, ou une tranche épaisse de melenzana tartinée d'un naturel de tomates et filet de rouget sur peau. Pour le concerto, les accords parfaits d'un blanc de loup en estouffade parfumé au fenouil sauvage rivalisent de délices avec la tendreté d'un pigeonneau en casserole déglacé au vin de myrte et accompagné d'une polenta di granone. Enfin, la valse des multiples fromages du terroir s'éternise sur les papilles en point d'orgue sucré avec le duo d'abricot et de framboise glacé sur un lit de copeaux de meringue, ou encore avec la nougatine de fruits secs et sa crème glacée canistrelli. Les plaisirs gourmands en appellent souvent d'autres. Confor- tablement installés dans le chaleureux salon de l'hôtel Le Maquis, vous pourriez, avec un peu de chance, siroter une coupe de champagne en compagnie de Catherine Salini qui, avec sa fascinante faconde, vous démontrera que, chez elle, la notion de luxe sait se conjuguer au plus-que-parfait et s'accorder avec l'esprit d'une convivialité authentique. Du grand art que Catherine Salini transmet à sa relève déjà en place (son fils, ses deux filles et sa petite-fille) à qui elle enseigne «que rien n'est acquis» et qu'il faut beaucoup de caractère, de travail et de talent pour métamorphoser un séjour en souvenir impérissable& Un défi que la «prophète corse» de l'hôtellerie relève toujours. Le Maquis B.P. 94 20166 Porticcio Corse France Tél. : 33 4 95 25 05 55 Téléc. : 33 4 95 25 11 70 Courriel : info@lemaquis.com Site : www.lemaquis.com |
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